Virginie Calmels ou « le syndrome du charcutier »

Dimanche 8 novembre. Il est 21h30. Je rentre d’une journée passée à sillonner la dixième circonscription de la Gironde. Mon cerveau navigue alors entre la roue libre et une sorte d’épave éphémère, prête à s’échouer devant un écran de télévision. Et là, coup de tonnerre ! Mon compte Twitter s’affole ! Au moins 8 ou 9 sur l’échelle de Richter des réseaux sociaux ! « Hop, hop, hop », me dis-je, « porte-parole tu es, porte-parole tu dois être, même un dimanche soir ! » Et de consulter le fil des tweets de la journée. Je tombe d’abord sur ça : – Yves d’Amécourt (qu’on ne présente pas en Gironde, pour les autres départements, voir sa fiche Wikipédia… ah ben non, il n’y en a pas …) : « le dérapage sexiste d’@al_rousset en débat face à @VirginieCalmels / stop au sexisme ! ».

Dérapage ? En plein débat ? Je me redresse, tel un chien d’arrêt, et poursuis la lecture : – Les Républicains 87 (comme son nom l’indique…) : « Découvrez les propos sexistes, méprisant et calomnieux de @al_rousset contre @VirginieCalmels » ; –Simon Laplace (militant LR dans les Deux-Sèvres) : « Là, je crois qu’@al_rousset repousse les limites du sexisme et du beauf… » ; – Manon Laporte (Porte-parole de Valérie Pecresse en Ile de France…) : « Abjecte illustration du machisme en politique. Tout mon soutien à la brillante @VirginieCalmels » ; ou encore – Avec Calmels (compte de soutien à la candidate) : « Quand @al_rousset sous-entend que @VirginieCalmels est issue d’une promotion canapé ».

C’est du lourd ! Sexisme abject ? Beauf ? Calomnieux ? Je tourne alors un regard désabusé vers le portrait de Jean de la Fontaine (qui orne mon salon) dont la mine contrite semble dire: « le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée ». Bref, l’affaire semble gravissime ! Je hais les dimanche ! La polémique serait brutalement née dans l’après-midi. Une vidéo déchaîne les comptes LR de France et de Navarre où l’on voit débattre Virginie Calmels et Alain Rousset. Je me gratte la tête: pas de débat prévu ce dimanche entre les candidats. Se sont-ils croisés sur un marché ? Je clique enfin sur la vidéo qui permet au comité de soutien de Virginie Calmels d’affirmer que « les faits sont là ». Il s’agit bien d’un débat. Mais il date du jeudi 22 octobre, devant les étudiants de Sciences Po Bordeaux.

Une controverse enflamme les militants LR dans l’après-midi du 8 novembre, à partir d’un échange vieux de 17 jours ? C’est une éternité (quasi-archéologique) à l’heure d’internet et des chaînes d’information continue… Un monumental dérapage sexiste aurait-il échappé aux interviewers et aux commentateurs d’un débat pourtant retransmis en direct par la chaîne locale TV7 Bordeaux et disponible depuis en replay ?

Quel est donc cet échange qui vaut à Alain Rousset d’être attaqué sur les réseaux sociaux ? Virginie Calmels y assène un argument mille fois répété depuis le début de sa campagne : « moi, Monsieur Rousset, je ne fais pas de la politique depuis 30 ans ». Réponse d’Alain Rousset : « j’espère que vous dites la même chose à Alain Juppé tous les soirs ». Je m’étais moi-même interrogé, dans un précédent billet : quand Madame Calmels reproche à Alain Rousset d’être président de la Région depuis 17 ans, que dit-elle à Alain Juppé, lui qui fut Premier ministre au milieu des années 90, maire de Bordeaux depuis 20 ans et désormais candidat à l’élection présidentielle en 2017 ? Simple question.

Et alors, là, on comprend ! L’équipe de Virginie Calmels a dû se dire que « tous les soirs », ça pouvait être la base d’une petite polémique maison ! J’imagine très bien la réunion de campagne phosphorer sur le sujet: « les amis, lundi matin, Virginie est l’invitée de France Info et c’est le lancement de la journée contre le harcèlement des femmes dans les transports ! Eh ! Si on accusait Alain Rousset d’être un sale macho qui n’hésite pas dire que Madame Calmels couche avec Juppé ?! Ça peut faire un carton ! » Et la vidéo, diffusée par l’équipe Calmels, de proposer un montage qui n’a rien à envier à une bande annonce de l’Ile de la tentation (produit par Endemol… une habitude). Grossier.

Il est 22h. Songeur, toujours sous le regard de Jean de la Fontaine, je m’interroge. Et si Alain Rousset avait proposé une autre formule, par exemple, « tous les jours » ? Aurait-il fallu y voir une allusion à un possible « 5 à 7 » ? Et s’il avait osé « matin, midi et soir »!!! J’en frémis !!! Heureusement qu’Alain Rousset ne lui a pas demandé ce qu’elle avait mangé à midi, le propos aurait ouvertement renvoyé aux stéréotypes des genres et des taches domestiques…

Après l’intox (sur le chômage des jeunes, les dépenses de fonctionnement, l’aide aux grands groupes, la partialité achetée auprès des journalistes de Sud Ouest, etc. etc.), nous venons donc d’entamer une autre étape de la campagne : l’hoax. Dont la définition est la suivante : « hoax est un mot anglais qui désigne un mensonge créé de toutes pièces. Conçu pour apparaître crédible et véritable, ce canular peut parfois avoir un but malveillant ».

Le pire, dans cette affaire, n’est pas qu’une poignée de militants n’hésite pas à se salir les mains pour salir les autres. Non, le pire est que Virginie Calmels cautionne cette fausse polémique. Au micro de Jean-François Achilli, ce matin, sur France Info, la candidate dénonçait ainsi les propos sexistes de son adversaire… s’appuyant sur un bidouillage vidéo lancé la veille. En espérant sans doute convaincre quelques esprits faibles ou mal informés…

Et dire que l’on veut réconcilier nos concitoyens avec l’action politique… Triste dimanche soir. J’écrivais, voici quelques jours : « du gros rouge qui tache », à propos de la campagne de Virginie Calmels. J’aurais dû ajouter ce bien connu syndrome du charcutier : « tout est bon dans le cochon ». Pendant ce temps, le site de campagne de la candidate comporte bien un onglet « Média ». On cherche toujours la rubrique « Projet »

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