Pourquoi les primaires mettent-elles les partis traditionnels au pied du mur ?

On ne dira jamais assez les ravages des primaires quand les partis qui y recourent, fracturés à droite comme à gauche, vivent un effondrement de l’intérieur.

 

Les sondages (et leurs approximations) exprimaient la soi-disant préférence des Français pour Alain Juppé? Le cœur de la droite a finalement renversé la table électorale en choisissant François Fillon. Sans véritablement connaître la portée de son programme.

Il s’en est suivi une grande confusion sur l’avenir de notre protection sociale. Et le système d’alliances de la France entre l’Ouest et l’Est. Au point que François Fillon, loin d’être élu président de la République, a déjà ses frondeurs.

C’est maintenant au tour des électeurs de gauche d’opter pour une contre-programmation politique en faisant le choix d’un candidat que les Français connaissent, au fond, assez peu : Benoît Hamon.

Son style ouvert et la relative nouveauté de ses propositions sont d’autant plus séduisants pour de nombreux sympathisants de gauche que le quinquennat Hollande fut baroque et chaotique, résultat de la longue éclipse intellectuelle et programmatique qui étouffe le parti socialiste depuis au moins le 21 avril 2002 et le référendum sur le traité constitutionnel européen de 2005.

Le tour de force va même plus loin: les principaux axes de débat de la primaire ont tous été lancés par Benoît Hamon, du revenu universel à sa conversion écologique.

Le problème est qu’il s’agit d’une rupture idéologique profonde, et même culturelle, aussi démocratique soit-elle.

Les deux qualifiés du second tour n’y vont d’ailleurs pas de main morte, jugeant que le scrutin se jouera « projet contre projet ». Une expression jusqu’ici réservée à la droite ultralibérale et à l’extrême droite… C’est dire si la réconciliation s’avère dès à présent compliquée sinon illusoire.

Or ce tournant idéologique n’a jamais été arbitré par le parti socialiste. Et quand l’orientation proposée par Benoît Hamon a été mise en débat en son sein, elle s’est retrouvée en nette minorité.

Mais il faut ajouter ceci: de même que beaucoup ne se reconnaîtront pas dans cette réorientation politique acquise au détours de la primaire, les « frondeurs » avaient légitimement pu se sentir trahi par des choix présidentiels qui, eux non plus, n’avaient pas été assumés au sein du principal Parti de gauche.

Toute l’intelligence politique de Benoît Hamon est là: avoir su utiliser la primaire pour capter l’exaspération de la gauche sur les décombres d’un quinquennat de renoncements plus que de réussites.

Jusqu’à présent, le parti socialiste, comme toutes les autres formations politiques, bâtissait son projet présidentiel avant d’en désigner celui ou celle qui le portait. Ce fut le cas en 2007 et en 2012. Le cadre idéologique était fixé avant d’en connaître le représentant.

À l’inverse, la primaire de janvier s’est transformée en congrès extraordinaire d’orientation politique. De là vient le hiatus.

Pour beaucoup de militants et d’élus du parti socialiste, la question va donc immanquablement se poser: comment se sentir engagé par un tel revirement idéologique?

Le problème n’est d’ailleurs pas d’en contester la légitimité démocratique: elle est et sera évidemment très forte. Benoît Hamon, s’il était désigné dimanche prochain, aura pour lui d’avoir été porté par plusieurs centaines de milliers de votants sincères et engagés à gauche.

Mais nul ne pourra contourner cette question: où sera la cohérence, pour les « réformistes », de soutenir un candidat dont ils ne partagent pas le projet?

Je pousse plus loin l’interrogation: les « réformistes » seraient-ils restés membres du parti socialiste si le basculement idéologique qui s’annonce dimanche prochain avait été pris à l’occasion d’un précédent congrès?

Bref, « discipline de primaire » (plus que de parti) ou liberté d’acter de profondes divergences?

Certains choisiront de peser de l’intérieur, espérant renverser un rapport de force qu’ils pensent provisoirement défavorable. C’est louable.

D’autres affirmeront demeurer socialistes mais non solidaires du candidat désigné. Cela peut se comprendre.

Les plus nombreux choisiront probablement de taire leur opinion, optant pour la prudence. Comment les blâmer?

Mais la question se posera pour beaucoup: opter entre la cohérence et l’union de façade. Sachant, et c’est tout l’enseignement de ces dernières années, que l’union lorsqu’elle est de façade peut mener au chaos plus qu’au changement…

Il n’y a rien de tragique à constater que l’heure de la clarification est sans doute venue.

La droite traditionnelle, elle-même écartelée entre des visions inconciliables, n’y échappera pas. On en voit les germes.

Les Français attendent depuis longtemps cette heure des choix qui n’est rien d’autre, je le dis souvent, qu’une refondation démocratique.

Photo : Frederick FLORIN/AFP

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