Loi asile et immigration : de quoi parle-t-on ?

Le projet de loi « Asile et immigration » a été adopté dimanche soir après avoir fait l’objet de débats houleux à l’Assemblée. Un texte qui soulève de nombreuses craintes, même au sein de la majorité.

 

Depuis sept jours, le débat faisait rage à l’Assemblée autour du projet de loi Asile et immigration et a abouti à un vote tardif, dimanche soir : le projet de loi asile-immigration a finalement été voté en première lecture par 228 voix contre 139 et 24 abstentions, dont 14 au sein du groupe La République en marche. Un seul député LREM, Les Républicains et toute la gauche – socialistes, communistes et « Insoumis » – ont voté contre, tout comme les députés FN. Les députés Les Républicains ciblaient en particulier les premiers articles ayant pour but de faciliter l’intégration, qualifiés de « catastrophiques » par leur président de groupe Christian Jacob.

Ces élus ont évoqué à plusieurs reprises un « plan caché de 40.000 régularisations » de sans-papiers. Selon eux, le gouvernement chercherait ainsi à dissiper les craintes de la majorité, plusieurs députés En Marche ayant exprimé leurs réserves sur ce texte. Concrètement, que dit le texte? Le JDD fait le point.

Quels changements cette loi va-t-elle apporter?

Le projet de loi présenté par Gérard Collomb a trois objectifs, selon le gouvernement.

  • Réduire le délai moyen de traitement des demandes d’asile de 11 à 6 mois ;
    Dans ce but, les demandes d’asile pourront être examinées en procédure accélérée au bout de 90 jours, contre 120 aujourd’hui. Les recours des déboutés au droit d’asile ne pourront se faire qu’en 15 jours, contre un mois auparavant. Et dans certains cas, le recours ne sera pas suspensif, ce qui signifie que durant cette période le demandeur d’asile pourra être expulsé à la frontière. Autre changement, des audiences vidéo pourront être mises en place à certains instants de la procédure pour accélérer le processus.
  • faciliter les reconduites à la frontière des déboutés ;
    Actuellement, il y a une faible proportion de retours réels à la frontière pour les personnes dont la demande d’asile n’a pas été acceptée. Dans l’optique d’accélérer les retours à la frontière, la durée maximale de séjour en centre de rétention va être augmentée, de 45 jours actuellement à 90 jours. Objectif : faciliter l’éloignement des étrangers en situation irrégulière ce qui laissera plus de temps à l’Etat pour négocier avec le pays d’origine.
  • améliorer les protections de ceux qui obtiennent l’asile 
    Le titre de séjour accordé sera allongé d’un an à 4 ans afin d’éviter de renouveler des démarches administratives tous les ans. Autre disposition, les enfants qui obtiennent l’asile pourront demander à ce que leurs frères et sœurs les rejoignent dans le cadre du « regroupement familial ».

Pourquoi des députés de la majorité critiquent-ils le texte?

Une quinzaine de parlementaires LREM ont menacé de s’abstenir, voire de voter contre le texte. On compte parmi eux Martine Wonner, Sonia Krimi, Matthieu Orphelin ou encore Jean-Michel Clément. Ils estiment qu’il est trop répressif envers les demandeurs d’asile. Florent Boudié, député LREM a assuré qu’il y aurait des « ajustements pour avoir certaines garanties » sous la forme d’amendements – 200 environ pour le groupe LREM.

Lire aussi : La députée En Marche Sonia Krimi deviendra-t-elle frondeuse?

Un des points les plus sensibles est la présence de mineurs dans les centres de rétention. Florent Boudié a annoncé qu’un groupe de travail serait mis en place avec le ministère de l’Intérieur pour cette question précise qui cristallise les tensions entre le gouvernement et les députés LREM critiques à l’égard du texte. Pour l’instant, le gouvernement semble à l’écoute de son groupe mais pas au point de supprimer totalement le placement des mineurs comme le réclament certains.

Que dit l’opposition?

Pour la droite, le texte n’est pas assez ferme. Laurent Wauquiez a dévoilé des contre-propositions sur l’immigration, comme l’interdiction à vie de la régularisation d’un étranger entré illégalement en France, sauf première demande d’asile. Le chef des Républicains souhaite aussi revenir sur le « droit du sol » en le conditionnant à la « régularité du séjour des parents ».

Pour la France Insoumise, le projet de loi est liberticide envers les migrants. Clémentine Autain, députée de Seine-Saint-Denis estime qu’il ne « cherche qu’à éloigner et expulser toujours plus ». Adrien Quatennens, député du Nord a déploré un « angle mort complet » sur les causes de « l’asile et l’immigration ». Les députés de la France insoumise ont proposé la création d’un « statut de détresse climatique et humanitaire » pour protéger les demandeurs d’asile.

Quelles sont les craintes des associations?

Des associations de soutien aux migrants, dont la Cimade, ont manifesté le 16 avril contre le projet de loi. Elles dénoncent « un virage à droite » de la politique migratoire en France. Une de mesures symboliques, l’allongement de la rétention administrative, est au coeur des crispations.

Interrogée par l’AFP, Marion Beaufils, intervenante pour l’association la Cimade au CRA du Mesnil-Amelot, estime que « les 45 jours actuels sont déjà trop » parce qu' »inutiles » pour permettre les renvois. Mais ces associatifs ne se font pas d’illusions sur l’avenir du texte : « On voit mal comment le projet pourrait ne pas être voté » estime Laurent Giovannoni responsable au Secours catholique.

Comment ça marche, ailleurs en Europe?

En présentant le projet de loi en Conseil des ministres le 21 février, Gérard Collomb a justifié ces mesures par un « nécessaire alignement sur le droit européen ». Concernant la réduction des délais de recours à 15 jours, le ministre de l’Intérieur argumente que « 9 Etats membres de l’UE ont un délai compris entre 8 et 15 jours », dont l’Allemagne et les Pays-Bas.

La durée maximale de rétention en Allemagne est de 18 mois, soit plus que ce qui est prévu par le projet de loi en France (90 jours). Et la non-suspension des recours est déjà en vigueur chez « neuf autres Etats membres », selon Gérard Collomb.

Sources : https://www.lejdd.fr/politique/loi-asile-et-immigration-de-quoi-parle-t-on-3630776

Photo : Sipa

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