Daesh est-il en passe de l’emporter ?

Daesh est-il en passe de l’emporter? La question brûle les lèvres. Car si l’État islamique perd du terrain au Levant, son plan répugnant fonctionne à plein, ici, en France.

La multiplication des attaques et des victimes innocentes le confirme, portée par son pouvoir d’attraction morbide auprès d’une partie de la jeunesse issue de l’immigration.

Mais le plus vif succès de l’État islamique est ailleurs: dans le raidissement – sans précédent depuis l’entre-deux-guerres – d’une partie de la classe politique française. Celle qui se livre, depuis le terrible attentat de Nice, à une vertigineuse surenchère sécuritaire et verse dans le discours nationaliste.

Celle qui assume de vouloir concurrencer l’extrême droite sur son terrain identitaire et populiste, et qui plaidait, avant même que le monstre Daesh ne surgisse du chaos proche-oriental, pour un rapprochement avec les thèses marino-lepenistes.

Celle qui, cyniquement, voit dans la terrible période traversée par notre pays une occasion historique de gagner le pouvoir et de remporter, dans un même élan, une bataille idéologique aussi ancienne que la République.

En France, en Europe, dans les grandes démocraties occidentales, le but de guerre de l’État islamique est rudimentaire: que la haine réponde à la haine, que la violence pure finisse par répondre à la violence pure, que l’exaltation et la frénésie répliquent au fanatisme et au nihilisme.

La raison d’être du terrorisme islamique est de créer les conditions d’une radicalisation de nos sociétés de droits et de libertés pour démontrer – d’abord aux musulmans – que leur vision manichéenne du monde est juste.

Un monde que Daesh rêve de partager en deux : les supposés oppresseurs des civilisations occidentales sécularisées face aux tenants d’une interprétation de l’islam totalement dépravée.

Aussi grossier soit ce piège, aussi tristement prévisible soit-il, beaucoup, parmi les responsables politiques français, s’y laissent prendre… par aveuglement ou par complaisance.

À voir le déferlement de haine et les propos xénophobes ou plus simplement accusateurs qui s’emparent des réseaux sociaux, à analyser avec lucidité les propositions produites par plusieurs responsables politiques de premier rang, oui, Daesh vient de remporter une victoire malheureusement éclatante. Moins par l’horreur des assassinats de masse perpétrés en son nom que par la radicalisation qu’elle est parvenue à susciter dans la classe politique et une partie de l’opinion publique.

Avec les attentats de Paris, de Nice, de Saint-Étienne-du-Rouvray, Daesh a commencé de gagner les esprits: celui des terroristes, têtes faibles ou fanatisées, isolés ou en réseau, qui diffusent la peur par le crime; celui, aussi, des responsables politiques lorsqu’ils parient sur la colère, le désarroi, la peur et la haine pour faire entrer le peuple en fusion. Et rompre toutes les digues, à commencer par cet État de droit si difficilement construit, fruit d’une longue histoire, qui préserve notre espace démocratique et républicain.

Face au terrorisme, il faut affûter, autant que possible, toutes les armes du droit et de notre démocratie.

C’est le cas lorsque nos règles permettent déjà la fermeture des lieux de culte radicalisés.

C’est le cas lorsque l’État rattrape, à marche forcée, la saignée pratiquée par le passé dans nos effectifs militaires et de maintien de l’ordre.

Renforçons notre système de renseignement, si profondément déstabilisé par la réforme lancée en 2008, 3 ans avant les tueries de mars 2012 à Toulouse et Montauban.

Imaginons un suivi plus resserré des personnes radicalisées ou susceptibles de passer à l’acte.

Obligeons l’islam de France, avec ses instances religieuses et sans angélisme, à respecter toutes les lois de la République et à éradiquer les sources de fanatisme en son sein.

Débattons – enfin ! – de l’échec si cuisant, si douloureux, et bien souvent naïf, de la politique d’intégration menée dans notre pays depuis 30 ans, par la gauche comme par la droite.

Mais plaider pour la création d’un Guantanamo à la française ou l’enfermement systématique de tous les suspects, c’est ouvrir le champ à l’arbitraire.

Ce serait donner au terrorisme islamique une raison supplémentaire d’exister et de se déployer. Sans aucun gain pour notre protection. 15 ans après le 11 septembre 2001, il n’est qu’à voir l’échec de la politique hyper-sécuritaire conduite par les États-Unis et le carburant fourni par la liturgie bushiste aux islamistes de tous poils.

Faire le procès des seuls gouvernants du jour, sans avoir l’humilité de reconnaître la part d’échecs collectifs, c’est répondre à une crise majeure par une sombre instrumentalisation politique.

De grâce, n’ajoutons pas au drame abject des victimes innocentes de la barbarie, le but profond recherché par Daesh: gagner nos têtes, forger nos mots, et précipiter notre pays dans l’inconnu. À l’image des périodes les plus noires de notre histoire.

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