L’heure est à la refondation politique

Dans les prochains jours, tout, et même n’importe quoi, sera dit sur le triomphe de Donald Trump à l’élection américaine. En France, les candidats à la présidentielle ne manqueront pas de formuler des analyses taillées à la mesure de leur intérêt immédiat.

À droite, les partisans de Nicolas Sarkozy y verront la validation de son discours anti-élite. Face à Alain Juppé, ils se prendront à rêver d’une surprise politique tout aussi saisissante aux primaires de novembre, contre les sondages et ceux qu’ils nomment les « bien-pensants ». Les proches d’Alain Juppé nourriront l’espoir que l’élection américaine accentue l’effet de repoussoir du trumpisme à la Française que sont le sarkozysme et le lepénisme.

À gauche, le président de la République pensera probablement que la victoire de Trump s’ajoute à la liste des arguments plaidant pour sa candidature, soignant son image, pourtant écornée, de père de la Nation. Jean-Luc Mélanchon lui-même en conclura que sa ligne 100% contestataire est la seule qui vaille pour contrer la marée montante du Front National, comme si l’arme ultime était d’opposer le populisme au populisme.

Face au séisme américain, chacun trouvera donc des raisons d’espérer, de conforter son petit pré carré, invoquant l’urgence à rassembler, s’affirmant comme le meilleur rempart devant l’hypothèse ouverte d’une extrême droite française au seuil du pouvoir.

Précisément, le grand danger, pour les partis politiques traditionnels, serait d’en rester à ces analyses d’opportunité. Et de négliger, comme ils l’ont fait depuis trente ans, la furieuse envie de chamboule tout protestataire qui monte en France.

Il y a un monde qui vient. Celui des peuples qui se sentent blessés et déclassés. Aux États-Unis ce matin, hier en Grande-Bretagne avec le Brexit, en Europe et en France. Un monde où les systèmes politiques sont profondément contestés. Parce que ces mêmes peuples jugent qu’ils se sont égarés, coupés de leur réalité, refermés sur eux-mêmes et l’objectif de conquête du pouvoir. Un monde où la désespérance civique s’épanouit et embrasse le simplisme et les caricatures. Avec, partout et malgré les singularités nationales, ce même triptyque mortifère: la dénonciation des élites, de la mondialisation et de l’immigration. Dans ce monde, tout est possible. Surtout le pire.

Dans la plupart des grandes démocraties, il y a une puissante demande d’écoute populaire qui va avec le rejet du statu quo face aux grand tourments du monde. Les peuples appellent leurs classes politiques à changer de pratiques, à renouveler les têtes et les idées, à retrouver le sens de l’engagement au service du bien commun, à s’extraire des logiques d’appareil et des réflexes bipolaires qu’elles incitent à produire. Faute d’avoir pris la mesure de ce rejet, les systèmes politiques ont ouvert la voie à tous les populismes. Ils jouent désormais leur survie.

L’autre grande supplication est la demande de protection. Sa profondeur se mesure au succès – ravageur – des discours de fermeture, d’autorité et de repli sur soi qui ont fait le triomphe de Trump aux Etats-Unis et alimentent la montée de l’extrême droite en France. Or la classe politique Française est désemparée face à cette demande, tiraillée qu’elle est entre la logique des acquis sociaux profitant à quelques-uns et celle d’une tentation ultra-libérale évidemment incapable de protéger qui que ce soit. Le piège se referme donc sur elle, faute d’avoir su faire preuve d’imagination et d’audace.

L’heure est donc à la refondation politique. Sans quoi c’est une rébellion démocratique majeure, à l’américaine, qui attend notre pays.

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