Le vertige de la déchéance.

Le flux continu de déclarations, anathèmes et palinodies sur la déchéance de nationalité donne le vertige…

À gauche, les mêmes qui ont admis, sans cris ni larmes, la loi Guigou de 1998 n’hésitent pas aujourd’hui à convoquer la violation des principes républicains, quand ce n’est pas le spectre de Vichy, pour qualifier la proposition faite par le président de la République devant le Congrès. Ont-ils oublié qu’en reconnaissant la déchéance de nationalité pour les seuls Français naturalisés depuis moins de 10 ans, la loi de 1998 introduisait, dans notre droit, deux catégories de Français: les Français « de peu » et les Français « de toujours ». La République pouvait dégrader les premiers mais pas les seconds, quelle que soit la gravité de leurs actes. Distinction éminemment sensible, brèche ouverte, pourtant défendue par un gouvernement qui comptait, dans ses rangs, Martine Aubry et Jean-Luc Mélenchon.

À droite, le désordre est identique. Sous la poussée du sarkozysme, la déchéance de nationalité fait partie, depuis une dizaine d’années, de ces armes supposément dissuasives toujours évoquées mais jamais appliquées. Il suffit de rappeler le discours tout en amalgames prononcé en 2010, à Grenoble, par l’ancien président de la République sur la déchéance des nationaux. Une réforme qui n’a pas passé le filtre du débat parlementaire et qui fut finalement abandonnée, sur la pointe des pieds. Et voilà que par un sidérant retournement, les mêmes qui, hier encore, à droite, défendaient la déchéance de la nationalité rejoignent désormais les rangs soit de ceux qui la jugent inutile et demandent son retrait, soit de ceux qui la jugent insuffisante et cherchent à durcir le ton.

À tous, on finit par avoir envie de dire que la cohérence ne les étouffe pas…

Je ne défends personnellement ni la déchéance pour quelques-uns, ni la déchéance pour tous, mais la déchéance pour personne.

Ma conviction est que la République n’a pas besoin de la déchéance de nationalité pour s’affirmer et montrer ses muscles face au crime et au terrorisme. Ni la déchéance adoptée par la gauche en 1998, encore moins celle déclamée en 2010 par Nicolas Sarkozy à coup de formules-chocs, ni celle proposée le 16 novembre par le président de la République après les attentats sanglants de Saint-Denis et Paris, ne sont une réponse utile et efficace dans la lutte contre le terrorisme.

Est-ce, en soi, une raison suffisante pour rejeter en bloc la révision constitutionnelle proposée par le président de la République? Je le ne crois pas. Parce que la constitutionnalisation de l’état d’urgence, qui est au cœur de la révision de la Constitution annoncée devant le Congrès, est nécessaire si nous voulons doter notre État de droit d’outils puissants face au terrorisme, tout en l’encadrant des garanties juridiques les plus élevées.

Quand des enfants de la République s’arment contre la République elle-même, d’une manière aussi criminelle et implacable que les terroristes de janvier et de novembre, l’État doit affuter ses armes : le renseignement, les forces de l’ordre, la justice pénale. C’est ce que propose le président de la République et c’est l’essentiel de l’efficacité publique recherchée.

Mais la République doit aussi éviter ces débats abrasifs, sans fin et sans issue, à l’image de la déchéance de nationalité, qui finissent par étouffer les vrais sujets : la question de l’intégration, plus criante et vacillante que jamais ; celle des moyens que la communauté nationale est prête à se donner pour forger une citoyenneté forte et solide ; celle, encore, de notre incapacité collective, et si Française, à appréhender le fait religieux dans un État laïc.

Or, à quoi assiste-t-on? Au lieu d’analyser – froidement – les causes d’un terrorisme qui n’épargne pas les autres grandes démocraties occidentales, les responsables politiques nationaux donnent le sentiment de sombrer dans l’hystérie et dans la caricature, quand ce n’est pas dans l’incohérence. Voilà pourquoi je déclarais, voici quelques jours, être exaspéré par la politique nationale. Et voilà l’une des causes de l’éloignement, toujours plus grand, entre les Français et leurs représentants.

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